Iginio Massari, le maître du panettone
Iginio Massari, reconnu comme le maître des panettones*, a fait une apparition à Paris à la fin de septembre pour animer “Meet Massari R-évolution”, une masterclass consacrée à ce dessert italien qui est devenu un classique en France à l’approche des fêtes de fin d’année. Bien que cet événement ait été institué en Italie en 2018, il n’avait jamais été organisé dans la capitale française jusqu’à présent.
Iginio Massari, lauréat du World Pastry Star 2019, qui récompense le meilleur pâtissier au monde, Meilleur pâtissier d’Italie depuis 2011, et meilleur pâtissier selon la sélection du Gambero Rosso en 2016, a installé son matériel, sa farine et son expertise pendant une journée à Paris pour partager les secrets de ses panettones, très convoités aux quatre coins du globe.
Né à Brescia en Lombardie, fils d’une cuisinière et du directeur d’une cantine, Massari a toujours cherché à repousser les frontières de ses créations, illustrant sa maxime favorite : « Ne cessez jamais de poursuivre la perfection ! ». Avec un esprit ouvert, une grande générosité et un enthousiasme palpable, il a livré aux participants captivés les éléments clés de son savoir-faire.
Organisée via l’école Le Cordon Bleu à Paris, cette rencontre destinée aux professionnels de la pâtisserie et de la boulangerie a été soutenue par des entreprises telles que Molino Dallagiovanna (fabricant de farines), Agrimontana (spécialiste des fruits confits et des marrons glacés), et Bernardi (éditeur de pétrins). La journée, qui a débuté à 8h30 et s’est achevée aux alentours de 18h, a maintenu un rythme dynamique, sans jamais ralentir, grâce à l’énergie contagieuse de cet octogénaire passionné. L’assistance, comprenant des figures comme Christophe Louie, le panettone préféré des Parisiens, a écouté attentivement les conseils, les pièges à éviter et les solutions aux défis, le chef abordant même deux recettes de panettones : le traditionnel et celui au chocolat (l’une d’elles figure d’ailleurs dans le n°104 de Fraimenbon).
Lorsqu’il a rencontré des boulangers venus avec leurs créations pour obtenir son avis, le maestro a fait preuve de pédagogie et d’empathie. En goûtant avec plaisir les panettones présentés, Iginio Massari a rapidement su identifier les erreurs ou les manques dans les recettes soumises, tout en donnant des conseils pratiques pour y remédier. Avant de conclure cet événement mémorable, il a également offert aux journalistes présents un savoureux panettone au chocolat, une attention délicate pour les remercier, mais aussi pour adoucir l’éventuelle déception de ceux qui n’auront peut-être jamais l’occasion de visiter l’une de ses boutiques en Italie.
« Le pays qui fabrique le plus de panettones, ce n’est pas l’Italie mais le Pérou et le Brésil »
FRANCE PIZZA. Vous êtes célèbre pour votre fabrication de délicieux panettones, mais que pouvez-vous nous dire sur vos débuts ?
IGINIO MASSARI. J’ai commencé ma carrière à l’âge de 16 ans et j’ai nourri ma curiosité en quittant l’Italie pour la Suisse, un pays où l’on en sait long sur la chocolat et la pâtisserie. J’ai beaucoup appris aux côtés de Claude Gerber, et cette expérience m’a accompagné tout au long de ma vie, me servant encore aujourd’hui. En rentrant en Italie, j’ai multiplié les expériences et, peu avant mes 30 ans, j’ai décidé d’ouvrir avec ma femme Mari, la « Pasticceria Veneto » à Brescia, ma ville natale. Par la suite, j’ai ouvert des boutiques à Milan en 2018, à Turin en 2019 et à Vérone en 2020…
200 000 panettones en 2 mois en 2024 ! 600 000 escomptés en 2025
FRANCE PIZZA. En parallèle de la gestion de votre entreprise, vous avez participé à de nombreux concours et championnats, avec plus de 300 récompenses à votre actif, est-ce exact ?
IGINIO MASSARI. Si c’est ce qui se dit, alors oui ! (rires). J’ai arrêté de compter, bien que chaque victoire soit une grande source de joie. Pour vous donner une idée en chiffres, nous produisons chaque année, sur une période d’à peine deux mois, 200 000 panettones. Nous prévoyons même de tripler ce chiffre en 2025 pour atteindre 600 000, juste avant les fêtes, car notre produit doit être frais.
FRANCE PIZZA. Selon vous, quel est le secret pour réussir un panettone ?
IGINIO MASSARI. Avant de parler technique, il est essentiel de s’intéresser à la qualité des ingrédients et du matériel. Il faut soigneusement choisir sa farine et sa levure. Personnellement, je privilégie la farine « Dolcissime » du Molino Dallagiovanna. Ensuite, il est crucial de suivre un protocole strict ancré dans la tradition, même si l’on souhaite innover en y ajoutant sa touche personnelle. Ce n’est pas un produit immuable, mais un produit en constante évolution. À l’origine, le panettone ne devait pas être retourné, et ce n’est qu’avant la Première Guerre mondiale qu’on a introduit cette technique. Angelo Motta, dont le nom est associé à l’évolution du panettone, vivait dans le centre de Milan, où l’espace était restreint. En fabriquant des panettones plus petits, il pouvait en stocker le double. À une époque, le panettone était réalisé avec du miel, mais celui-ci, trop coûteux, a été remplacé par le sucre. L’évolution d’un produit est également liée à sa capacité d’adaptation aux tendances, outils et techniques de chaque époque.
Pâte réalisée avec le pétrin Miss Baker Pro XL de Bernardi
FRANCE PIZZA. Quel est le fil conducteur de l’ensemble de vos pâtisseries ?
IGINIO MASSARI. Mes panettones ne contiennent ni colorants ni conservateurs, et j’utilise moins de sucre dans l’ensemble de mes pâtisseries. Le travail acharné est essentiel, tout comme le fait de cultiver un esprit d’équipe. On n’avance jamais seul, et derrière chaque reconnaissance que je reçois, il y a une équipe qui me soutient.
« Si l’on ne comprend pas le mécanisme chimique, on ne peut saisir l’univers de la pâtisserie ».
FRANCE PIZZA. Quelles sont vos projets actuels ?
IGINIO MASSARI. Je travaille bien sûr sur le panettone, mais aussi sur une nouvelle machine destinée à produire un autre type de papier pour le panettone…
FRANCE PIZZA. Quand vous vous remémorez votre premier panettone, quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
IGINIO MASSARI. Les défis sont toujours présents lorsqu’on confectionne un produit qui repose sur des processus biologiques. Toutes les matières premières proviennent de l’agriculture, et la farine reste la clé. Je persiste à dire que sans une bonne farine, il n’y a pas de bon panettone ! Mon premier panettone, je l’ai réalisé en Suisse, motivé par le goût que mon patron Claude Gerber avait pour ce produit. Ma curiosité innée, qui m’accompagne depuis toujours, me poussait à poser des questions sur les aspects chimiques des recettes. Comprendre le « pourquoi chimique » des recettes est essentiel, car sans cela, on ne peut appréhender le domaine de la pâtisserie.
FRANCE PIZZA. Depuis trois ans, vous collaborez avec le chocolatier belge Pierre Marcolini pour créer un panettone au chocolat vendu dans ses boutiques. Que pouvez-vous nous dire sur cet artisan, très apprécié des Français ?
IGINIO MASSARI. J’ai rencontré Marcolini en 1992 à Bruxelles. J’ai tout de suite remarqué son ambition, et pour moi, l’ambition est une qualité humaine précieuse. Une personne sans ambition stagne et ne progresse pas. Être ambitieux, c’est désirer aller de l’avant et dépasser ses propres limites, cela signifie aussi accepter qu’un jour son élève pourrait nous égaler. Marcolini incarne cela, et c’est pourquoi il a rapidement su s’imposer. Je l’apprécie beaucoup, c’est une personne positive.
« Si l’on ajoute de l’huile d’olive, du fromage à un panettone, cela ne ressemble plus à un panettone, mais à une focaccia ! »
FRANCE PIZZA. Vous avez beaucoup voyagé et vous avez sûrement constaté que le panettone conquiert de plus en plus de gourmands. Quels pays, en dehors de l’Italie, vous semblent être les plus avancés en matière de production de panettone en qualité et en quantité ?
IGINIO MASSARI. Effectivement, le panettone est produit à l’échelle mondiale. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les pays qui en fabriquent le plus ne sont pas l’Italie, mais le Pérou et le Brésil. Un entrepreneur basé à Sao Paulo, qui a vendu son entreprise à Nestlé, a instauré la mentalité italienne selon laquelle le panettone est un produit de Noël. Un autre, installé au Pérou, a pris une approche différente en le produisant tout au long de l’année. Je vous laisse deviner lequel des deux connaît le plus de succès (rires).
FRANCE PIZZA. Certains boulangers et producteurs industriels proposent des panettones sucrés. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
IGINIO MASSARI. En Italie, il existe des normes rigoureuses auxquelles nous adhérons. Un panettone avec de l’huile d’olive, des carottes ou du fromage…, ce n’est plus un panettone, mais plutôt une focaccia ! (rires). On peut appeler un époumon “cochon”, mais cela ne le transforme pas en cochon ! (rires)
FRANCE PIZZA. Quelle serait la recette idéale du panettone ?
IGINIO MASSARI. Une recette parfaite ? Il n’y en a pas, car notre alimentation est toujours au présent et ce présent change constamment. De nombreux panettones sont réalisés à l’aide de machines, et le résultat diffère totalement, ce n’est pas le même produit. La quête incessante de la recette idéale est ce qui nous motive et nous maintient en vie.
* La recette du panettone de Iginio Massari est à découvrir dans la section recettes de Fraimenbon n°104 pour novembre-décembre, disponible ici
Propos recueillis par Isabelle Aithnard. Photos © Matteo& Co
Je m’appelle Fred, j’ai eu l’honneur d’être formé par mon mentor à l’ancienne pizzeria LA LAMBRETTA par Olivier Aucelli. Aujourd’hui, une nouvelle aventure a commencé pour moi après la fermeture du restaurant, j’ai décidé de faire tout mon possible pour vous apprendre tout ce que l’on m’a appris.